jeudi, avril 18, 2024

Turquie: en difficulté chez lui, Erdogan endosse ses habits de chef de guerre

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Le président turc traverse une mauvaise passe. Sa menace de lancer une opération militaire en Syrie serait-elle une simple tentative de détourner l’attention  ?

C’est un peu la série de l’été en Turquie : la « crise des missiles » américano-turque, qui alimente les journaux depuis près de deux ans, a connu son apogée au début des vacances scolaires, quand Recep Tayyip Erdogan, au grand dam de l’administration Trump, a annoncé le déploiement d’antimissiles S-400 russes sur son territoire, renonçant ainsi aux avions de guerre F-35 américains. Usant d’un registre très émotionnel, l’administration américaine s’est dite « déçue » et a tout tenté pour faire revenir les Turcs sur leur décision, leur opposant même un ultimatum avant d’éventuelles sanctions (le 31 juillet dernier). Mais, depuis, rien. Erdogan a de son côté annoncé que la Turquie allait lancer une opération militaire dans le nord de la Syrie, où sont présentes des forces américaines.

« Tant que nous serons sujets au harcèlement, il ne nous sera pas possible de garder le silence », a-t-il déclaré, faisant référence aux Kurdes qui tiennent la région. Depuis des mois, l’opération est annoncée comme « imminente », même si, aux dernières nouvelles, elle semble s’éloigner. Qu’importe : la manœuvre permettrait aussi et surtout de détourner l’attention.

Crise économique et revers électoral

En effet, le gouvernement turc n’est plus en position de force sur son territoire. Confronté à une crise économique dure (la livre turque a perdu près de 30 % de sa valeur depuis un an), le parti au pouvoir, l’AKP (parti de la justice et du développement), a connu un immense revers en perdant la mairie d’Istanbul en juin dernier. L’opposant Ekrem Imamoglu y a obtenu 53,8 % des voix (contre 45 % pour son rival). Soit 800 000 voix de plus qu’en mars dernier, quand il l’avait déjà emporté mais que l’élection avait été annulée, à la demande de l’AKP. « Ce qui était frappant, c’est que, lors des précédents revers électoraux (en 2015 ou lors des élections de mars 2019), la réaction d’Erdogan était de ne pas parler. Or, là, il s’est exprimé tout de suite, et surtout a commencé à parler de politique extérieure, notamment de S-400, indique Jean Marcou, enseignant à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Turquie. On sentait bien que c’était un discours susceptible d’être entendu par ses partisans mais aussi par ses opposants. »

Le mois de juillet n’a guère été plus brillant pour le parti au pouvoir. D’anciens membres de l’AKP ont claqué la porte du parti. L’universitaire lyonnais Tuna Altinel a été libéré de prison et la Cour constitutionnelle a reconnu que la liberté d’expression des universitaires – poursuivis en masse après la tentative de coup d’État – avait été bafouée. La Cour suprême a également cassé un jugement qui condamnait à la prison à vie trois journalistes. Dans le même temps, le pays a été confronté à une défiance montante envers les réfugiés syriens, qui sont plus de 3,5 millions sur son territoire.

« Ça joue indiscutablement, estime Jean Marcou. C’est en misant sur cette carte internationale et en montrant que la Turquie continue à défendre les intérêts du pays, notamment sur la question kurde, qui est à la fois intérieure et extérieure, que le pouvoir compte faire oublier les problèmes économiques ou les revers électoraux. »

La question du Kurdistan syrien

Mais qu’on ne s’y méprenne pas : même si les tribunaux tentent de préserver un minimum d’indépendance, la Turquie reste une immense prison pour les journalistes – le pays occupe la 157e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse et la quasi-totalité de la presse est désormais proche du pouvoir. Si la mairie d’Istanbul est occupée par un opposant, la plupart des districts sont encore régis par l’AKP et la ville a un budget ultra-réduit. Selon le quotidien Le Soir, la municipalité a accumulé une dette de près de 30 milliards de livres (4,7 milliards d’euros), soit la moitié de son budget global cumulé en 2018.

Et, surtout, l’opération que menace de lancer Erdogan dans le nord de la Syrie n’est pas nouvelle. « Erdogan la brandit depuis l’automne dernier », rappelle Jean Marcou. Dans les années précédentes, des opérations contre les villes d’Afrin, de Djarabulus ou d’Al-Bab ont déjà été menées dans le nord de la Syrie. « Cette affaire dépasse les seules affaires domestiques. Si la Turquie devait intervenir, elle interviendrait dans une zone, le Rojava, où il y a une présence américaine. Une intervention sur la rive est de l’Euphrate amènerait donc à une confrontation directe entre les États-Unis et la Turquie. »

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