Je veux que vous voyiez une image : celle d’une mère – ma mère –, incarnation de toutes les mères syriennes, debout face aux corps sans vie de ses fils et de son petit-fils. Ils ont été assassinés de sang-froid par ces terroristes, ennemis de l’humanité, simplement parce qu’ils étaient alaouites. Ma mère n’a pas plié sous la terreur. Elle n’a pas baissé les yeux devant ses bourreaux. Avec une dignité inébranlable, elle a affronté l’horreur. Pourtant, ces criminels, dans leur lâcheté sans bornes, ont osé lui ordonner de partir, de laisser les dépouilles de mes frères et de mon neveu gisant dans des mares de sang, afin de pouvoir les brûler avec la maison pour effacer toute trace de leurs crimes et de leur trahison. Mais elle a tenu bon, avec une force et une détermination implacables. Pendant quatre jours, elle est restée là, veillant sur mes frères et mon neveu, jusqu’à ce qu’on l’autorise à les enterrer dans le jardin de la maison. Sept jours plus tard, ma famille – ou ce qu’il en restait – les a inhumés dans le cimetière du village.
Ils piétinaient leurs cadavres, mais elle restait silencieuse, murée dans son mutisme. Ils se moquaient d’elle, l’insultaient, proféraient des horreurs contre mes frères, avant et après leur exécution. Les assassins occupaient la maison voisine, la surveillant sans relâche. Plusieurs fois par jour, ils venaient piller et saccager sa maison et celles de mes frères.
Ce jour-là, le 7 mars 2025, juste après l’exécution de mes frères et de mon neveu, les trois épouses de mes frères, accompagnées de leurs enfants, ont fui vers les champs, comprenant que ces monstres comptaient les tuer eux aussi.
C’était une scène de guerre pure. Les milices de l’armée de Jolani sont arrivées par centaines, dans des véhicules chargés de soldats armés jusqu’aux dents et équipés de lanceurs de « dochka ». Ils tiraient sauvagement, au hasard, sur les maisons, les voitures, les pierres… Avant même qu’ils n’atteignent notre maison, des balles ont traversé les murs, forçant ma famille à se réfugier dans le couloir pour échapper aux tirs. Puis ils sont entrés, avec leurs cris de « Allahu akbar » et leurs insultes – « bande de porcs alaouites ! » –, forçant la porte. Ils ont vérifié les papiers de mes frères et de mon neveu. Quelques soldats terroristes sont montés à l’étage, ont enfoncé les portes des appartements de mes trois frères, tiré sur les meubles et les vêtements, cherchant armes, argent et or. Ils ont tout volé. Une fois leur fouille terminée – sans trouver d’armes, bien entendu –, ils sont partis. Mais d’autres groupes de milices ont suivi, répétant le même carnage. L’avant-dernier groupe a averti ma famille : « Vous êtes O.K, restez à l’intérieur, mais méfiez-vous, le prochain groupe est pire. » Ils avaient raison. Ce groupe « pire » est arrivé et a ordonné à mes frères et à mon neveu de sortir et de se déshabiller. Ma mère et la mère de mon neveu ont tenté de s’interposer. Un terroriste a repoussé ma mère avec sa mitrailleuse, un autre a tiré au sol, près de leurs pieds. Ignorant le danger, ma mère les a suivis, les suppliant de la tuer plutôt que ses enfants. Ils l’ont insultée et ont abattu les trois hommes. La mère de mon neveu a imploré qu’on la tue aussi, incapable de supporter la vue de son petit mort. La réponse a fusé : « On ne vous tuera pas, pour que vous souffriez. » À cet instant, un autre terroriste a crié : « Il faut tous les tuer ! » Ma mère s’est alors tournée vers ma belle-sœur et lui a lancé : « Fuyez avec les enfants ! » C’est ainsi que les femmes et les enfants se sont précipités vers les champs.
Vous connaissez la suite. Ils ont filmé ma mère et leur crime de leurs propres mains, fiers d’avoir massacré des civils innocents et sans défense.
Est-ce cela, la justice ? Est-ce cela, l’humanité ?